l'euro du comité d'établissement d'Air France
En effet, cet (ou ces) euro n'est pas dû directement à cette prestigieuse compagnie nationale mais à l'imagination féconde de son comité d'établissement!
Et d'abord, qu'est-ce qu'un comité d'établissement? Je vous en donne la définition légale « Lorsqu'une entreprise de 50 salariés et plus dispose d'établissements distincts (quel que soit leur effectif), il est créé des comités d'établissement et un comité central d'entreprise.
Le comité d'établissement a des compétences et des moyens identiques à ceux d'un comité d'entreprise, dans les limites des pouvoirs du chef d'établissement »
Et pour ceux qui ignorent ce qu'est un comté d'entreprise, voici également la définition qu'en donne la réglementation « Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le chef d'entreprise est tenu d'organiser la mise en place d'un comité d'entreprise (CE) composé de représentants élus du personnel et éventuellement de représentants syndicaux désignés par les organisations syndicales. Ce comité assume d'une part, des attributions économiques et d'autre part, sociales et culturelles et dispose pour ce faire, des moyens matériels et financiers nécessaires »
En clair les salariés qui ont la chance de travailler dans une entreprise de plus de cinquante personnes ont un organisme qui s'occupe d'eux : le CE détient le monopole de la gestion des activités sociales et culturelles au sein de l'entreprise. La subvention versée par l'employeur à ce titre n'a pas de plancher.
En pratique, elle varie entre 0,5 et 5 pourcents de la masse salariale brute, pour une moyenne de 2 pourcents.
Le CE négocie des avantages auprès de partenaires commerciaux et peut lui-même proposer des services (machines à café ou distributeurs de friandises, location de cassettes vidéo ou de DVD, etc.). Il prend également en charge des activités concernant la famille du salarié : arbres de Noël, colonies de vacances, etc...
Et comme je sur la région de Toulouse, je connais beaucoup d'employés d'Air France ; je peux donc vous dire que les avantages amenés par son CE sont forts prisés par tous ceux qui espèrent intégrer cette entreprise.
Mais, pour rompre un peu le cheminement de l'élaboration de cet euro d'Air France, je vous en propose un premier aperçu :
1,5 euro d'Air France par son comité d'établissement d'Orly – Le Bourget
Ce grand euro d'Air France, en bronze, nous montre un Lockeed Constellation. Cet avion quadrimoteur, de fabrication américaine, fut adopté dès 1946 par Air France, en remplacement des DC4. Il permettait le trajet Paris-New York sans escale. Par la suite Air France a acquis 52 appareils de ce modèle qui était devenu le fleuron de la compagnie.
Ce n'est qu'une quinzaine d'années plus tard qu'il sera peu à peu supplanté par les Caravelles françaises de Sud-Aviation, premiers appareils civils nationaux à réaction.
Notons les dates répétées « 16 novembre 1996 » en haut et en bas du Constellation, date de validité de cet euro temporaire, ainsi que quatre bizarres globules, autour du nom de la compagnie et de la valeur de la pièce : à mon avis il s'agit de représentations de rivets, éléments caractéristiques de l'aviation (pour ceux qui connaissent...).
Quelques inscriptions sur la lisières sont également à souligner :
- à droite « C. CARDOT GR (pour graveur?) » ; il s'agit du MOF présenté en rubrique « Frappe »
- à gauche « G / L » ; c'est peut-être l'atelier de gravure, ou le nom du dessinateur.
Sur cette face, nous découvrons le nom de l'émetteur :
Comité d'établissement d'Air France Industries Orly – Le Bourget
L'évènement à l'origine de l'émission :
Cinquantenaire 1946 – 1996
Et le logo du comité d'établissement.
J'ignore la symbolique de ce logo, ainsi que sa date d'adoption par le CE, mais ce que je sais c'est qu'il est toujours d'actualité.
Le CE d'Orly – Le Bourget fait partie des premiers Comités d'établissement mis en place. En effet ceux-ci, votés en 1945, et promulgués en mai 1946 sont la suite logique des « Comités sociaux d'établissement » créés en 1941 par l'Etat Français dans l'optique d'éviter les affrontements entre patrons et employés, pour complaire à l'occupant, tout en supprimant les syndicats, et entérinés en 1944 par le Comité national de la Résistance. Mais les nouveaux CE n'ont gardé que la fonctionnalité de ces organismes tout en permettant aux syndicats d'y participer puisque ce sont leurs représentants les principaux organisateurs.
Et grâce à eux, le « Comité d'établissement d'Air France Industries Orly – Le Bourget » a pu fêté ses 50 ans, au grand dam de la Direction pour qui l'aspect social n'est jamais une priorité. Notons l'aspect amusant de la création de ces organismes dont le but initial était de spolier les travailleurs mais qui finalement a contribuer à l'amélioration de leurs conditions de vie.
3 euros d'Air France par son comité d'établissement d'Orly – Le Bourget
Cette seconde monnaie nous permet d'admirer le logo d'Air France. Elle est bimétallique (comme nos deux euros), d'aussi grande taille que la première. On y retrouve les rivets, et la double date du 16 novembre 1996, date de l'anniversaire et de validité de cet euro temporaire (je ne sais pas la raison de cette répétition, pour un cinquantenaire j'aurai plutôt marqué la date de création aussi).
On y retrouve le nom du graveur et de l'atelier.
Et pour en revenir au logo, le « cheval ailé à queue de dragon », aussi nommé "hippocampe", mais toujours familièrement baptisé "La Crevette", est étroitement lié à l'histoire d'Air France.
Il faut préciser qu'Air France, né du regroupement de 5 compagnies aériennes en 1933 avait été nationalisé en 1945. Ce logo était initialement celui d'Air Orient qui avait choisi ce symbole sans doute parce que cette compagnie, évoluant en Indochine Française, avait surtout des hydravions. Pour les numismates qui me lisent, cette image stylisée rappelle beaucoup l'hippocampe tel qu'il était représenté sur les monnaies grecques de l'époque hellénistique (malgré certains rêveurs qui voudraient y voir l'ordre du dragon d'Annam dont l'empereur Bao Daï avait décoré Maurice Noguès, patron d'Air Orient).
Le comité d'établissement a dû batailler pour pouvoir utiliser cette image qui n'est plus employée qu'en interne , car depuis 1975 le logo officiel (public) représente la-dite crevette amputée de sa moitié inférieure.
Hormis le bimétallisme de cette pièce, c'est le même revers que la 1,5 euro. Cette monnaie était vendue 20 francs lors des réjouissances du cinquantenaire (la précédente 10 francs), et on pouvait sans doute payer les consommations grâce à elles, du moins pour celles qui n'étaient pas gratuites!
En effet, pour fêter ces cinquante ans le Comité d'établissement d'Air France Industries Orly – Le Bourget, avait mis les petits plats dans les grands : sous le slogan « 50 ans ça se fête », il a organisé plus de 3 mois de festivités. Jugez du peu :
- 12 octobre : journée avec les Anciens, avec repas, spectacle et après-midi dansant
- 23 octobre : début des Mercredis éducatifs avec les enfants
- 5 au 15 novembre : exposition de poissons, mygales, phasmes, etc... au restaurant du comité pour faire découvrir aux employés ces animaux inhabituels
- 5 au 15 novembre : exposition de timbres consacrés à l'aéronautique et à la faune aquatique
- 6 novembre : fête des années 90 avec un repas Tex-Mex
- 7 novembre : concert d'Abaji en français, arabe et anglais
- 7 novembre : démonstration de l'art de la céramique
- 7 & 14 novembre : tournois d'échecs et découverte de ce jeu antique
- 14 novembre : théâtre avec les comédiens Thierry Atlan et Christine Guênon sur des textes de Théophile Gautier
- 12 au 15 novembre : exposition numismatique avec vente des pièces présentées dans cette rubrique
- 16 novembre : fête du cinquantenaire, de la fraternité et de l'espoir, avec diverses expositions, dîner, spectacle et soirée dansante
- 26 et 28 novembre : découverte des voyages touristiques organisés au cours de l'année afin de préparer les futurs périples
- 9 décembre : le théâtre de la Jacquerie
- 10 au 31 décembre : exposition sur les 50 ans du comité d'établissement
- 11 décembre : débat sur le service public avec l'économiste Jean-Louis Moynot
- 13 décembre : découverte du Flamenco avec Irène Illanès
- 17 décembre : récital et spectacle de Gilbert Lafaille, musique et humour
- 18 décembre : Débat rencontre avec les commissions Activités Sociales, Retraite et Aide au Logement
- 19 décembre : Repas de fin d'année
Notons que la direction d'Air France n'est intervenu en rien sur ces réjouissances et que pour l'euro provisoire, elle n'a fait que consentir à l'utilisation du logo historique. Aussi, désormais ne parlez plus de l' « euro d'Air France » mais de l'« euro du comité d'établissement d'Air France – Orly – Le Bourget », puisque c'est sa véritable origine, et la volonté de cet organisme dans l'engagement européen, ainsi que vous venez de le voir.
Et si vous souhaitez rendre une visite à l'auteur de ce pré-euro, je vous communique ses sites internet :
http://www.guideceairfrance.com/
et
http://www.ceafsiege.net/accueil.htm